samedi 12 mars 2011

Never let me go


Depuis l'enfance, Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires d'une école en apparence idyllique, une institution coupée du monde où seuls comptent leur éducation et leur bien-être. Devenus jeunes adultes, leur vie bascule : ils découvrent un inquiétant secret qui va bouleverser jusqu'à leurs amours, leur amitié, leur perception de tout ce qu'ils ont vécu jusqu'à présent.

Dans une Angleterre hypothétique, la médecine a réussi à venir à bout en 1952 de quasiment toutes les maladies incurables, portant l’espérance de vie moyenne à plus de 100 ans. Des clones sont élevés dans des écoles spécialisées où ils sont préparés pour devenir une fois adultes des donneurs d’organes. La plus part ne survivent pas à plus de quatre dons et meurent avant trente ans. Never let me go raconte l’histoire de trois donneurs, Kathy, Ruth et Tommy depuis leur enfance jusqu’à l’âge adulte, leurs amours, leur prise de conscience de leur condition et la façon dont ils vont vivre cette existence qu’ils savent dès le départ éphémère.


Malgré son sujet, Never Let me go, réalisé par Mark Romanek (Photo Obsession avec Robin Williams) et adapté du roman de l’écrivain anglais d’origine japonaise Kazuo Ishiguro, est contre toute attente un film profondément humain et touchant bâtit autour d’un triangle amoureux constitué de trois « donneurs » prenant petit à petit conscience de leur condition et essayant de donner un sens à leur vie. Comment se construire sentimentalement lorsque l’on a grandit dans un milieu sans affection ? Comment imaginer l’avenir lorsque l’on se sait condamné à plus ou moins brève échéance ? Comment profiter de chaque instant lorsque l’on sait que ceux ci peuvent disparaître du jour au lendemain ? Comment se construire une identité lorsque l’on a ni passé, ni avenir ? A toutes ces questions, Kathy, Ruth et Tommy tentent d’y répondre, à leur manière, forcement imparfaite, mais touchante. Cette histoire d’amour, racontée avec beaucoup de justesse et de poésie, sans sentimentalisme excessif, est portée par trois acteurs, Carrey Mulligan (Wall Street 2, Brothers, Public Enemies…), Andrew Garfield (The Social Network, Boy A, l’imaginarium du docteur Parnassus…) et Keira Knigthley (Pirates des caraïbes, Orgueil et préjugés, Atonement…) au meilleur de leur forme. Toujours justes, touchants et émouvants, ils crèvent l’écran.


Mais derrière cette romance, une autre lecture du film est possible, plus politique, plus en rapport avec des thèmes liés à la science fiction et qui rapprocherait Never let me go de films comme Gattaca ou Soleil Vert, à cette différence près que le film de Romanek n’est pas une anticipation mais une uchronie. Il ne se passe pas dans notre futur mais notre passé, un passé possible et rendu réel par une médecine ayant évoluée différemment de la notre dans les années 50. En situant son histoire dans une période de quinze ans commençant à la fin des années 70, Romanek invite le spectateur à se pencher sur le présent, sur ce que pourrait être notre société si on n’y prenait pas garde. Never let me go n’est pas un film à charge contre le clonage, le thème n’est d’ailleurs pratiquement pas abordé, c’est un film qui invite le spectateur à s’interroger sur les dérives possibles d’une société et surtout notre responsabilité en tant que citoyens à faire que ces dérives deviennent possibles. Il est ainsi assez stupéfiant de noter que personne dans le film, mis à part un personnage vite évincé, ne remet un seul instant en cause l’élevage en batterie de clones et leur mise à mort programmée pour le bien d’une population qui ne supporterait pas un seul instant de voir réapparaitre cancers et autres maladies mortelles. Cette révolte, que le spectateur appelle naturellement de ses vœux, n’interviendra jamais, ni de la part des autorités ou des citoyens bien sur, ni de la part des médecins qui semblent faire bien peu de cas du serment d’hippocrate, ni des donneurs eux même qui acceptent leur situation avec fatalisme n’ayant nul part où aller. Romanek a l’intelligence de poser plein de questions sans jamais imposer de réponses, laissant le spectateur faire son travail de conscience en sortant de la salle.


Never let me go n’est pas un film à grand spectacle. Au contraire, c’est un film minimalisme, au rythme lent, à la mise en scène discrète mais au service de son histoire. A noter toute fois la très belle photographie d’Adam Kimmel qui a su très bien retranscrire les trois périodes du film par des ambiances à chaque fois différentes. Au début, dans l’école des enfants, les éclairages sont sombres, les teintes dominantes virent vers le marron, l’ambiance est très étouffante. A l’adolescence, dans les cottages, l’éclairage devient plus clair et on retrouve des teintes naturelles. Enfin, à l’âge adulte, ont est dans des dominantes froides, à base de bleu et de vert évoquant l’univers médicalisé des donneurs.

Mark Romanek livre donc avec Never let me go, un film intelligent qui réussit, sur un thème qui peut sembler cliché, à trouver son identité et à se démarquer des productions du même genre. Les trois acteurs principaux livrent une prestation de haut niveau et portent littéralement le film sur leurs épaules. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste et Charlotte Rampling, en directrice d’école, est comme souvent impeccable. Never let me go est le film qu’on attendait sans doute pas en ce début d’année mais il fait mouche et confirme le talent de jeunes acteurs plein de promesses. Pour finir, je vous encourage à aller voir le film sans regarder la bande annonce qui n’est pas du tout fidèle au film et à son ambiance. Et pour ceux qui auraient quand même vu ce massacre, je les rassure, on entend pas une seule fois la musique de Muse et les cris de chat écorché de son chanteur.

4 commentaires:

Efelle a dit…

Sortant du livre c'est peu dire que je suis tenté... Tu lèves les derniers doutes, reste à trouver le temps d'aller au ciné.

Gromovar a dit…

Très tentant. Je le mets en liste à voir.

Marvelll a dit…

Il m'a emmerdé pas possible à se concentrer sur trois moutons qui vont l'abattoir sans sourciller.

Un gros gâchis.

Dom a dit…

Je l'ai un peu de tout sur ce film, peut-être un peu trop lu d'ailleurs au point que je n'ai plus trop l'envie de le découvrir en salles... Je pense attendre la sortie vidéo désormais, en espérant que d'ici là, ma mémoire me fera défaut !

Enregistrer un commentaire

Attention : Tout commentaire Anonyme sera systématiquement effacé.

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.