mercredi 7 septembre 2011

La Piel que Habito


Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau, grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse. Douze ans après le drame, il réussit dans son laboratoire privé à cultiver cette peau : sensible aux caresses, elle constitue néanmoins une véritable cuirasse contre toute agression, tant externe qu’interne, dont est victime l’organe le plus étendu de notre corps. Pour y parvenir, le chirurgien a recours aux possibilités qu’offre la thérapie cellulaire. Outre les années de recherche et d’expérimentation, il faut aussi à Robert une femme cobaye, un complice et une absence totale de scrupules. Les scrupules ne l’ont jamais étouffé, il en est tout simplement dénué. Marilia, la femme qui s’est occupée de Robert depuis le jour où il est né, est la plus fidèle des complices. Quant à la femme cobaye…

Je dois bien l’avouer, je n’aime pas Almodovar et habituellement la sortie de ses films me laisse de marbre. Son cinéma ne me parle pas. Son rapport à la sexualité me gonfle et j’ai tendance à le trouver malsain. Mais ce Piel que Habito m’a interpellé comme aucun de ses films ne l’avait fait depuis attache moi et ce n’est sans doute pas un hasard car les deux longs métrages ont beaucoup en commun. Une femme séquestrée, un homme perturbé, une relation ambigüe naviguant entre amour et haine, soumission et domination. Ajoutez à cela la thématique du rapport au corps, de cette peau artificielle, avec tout ce que cela a de dérangeant et de transgressif et vous obtenez un film qui sur le papier annonce une certaine parenté avec le cinéma de Cronenberg et qui a donc tout pour me plaire.


Si le début du film intrigue et fascine, nous plongeant dans une ambiance froide et étrange avec cette femme seule et séquestrée dans cette combinaison couleur chaire, très rapidement le cinéaste refait surface, par l’apparition assez ridicule d’un protagoniste déguisé en panthère, nous signifiant que cette histoire, adaptée d’un roman de Thierry Jonquet, est avant tout un film d’Almodovar. Moi qui pensais voir un film se situant quelque part entre Faux Semblant de Cronenberg et les Yeux sans visage de Franju, je suis resté sur ma faim. Almodovar laisse de coté tout l’aspect subversif de son histoire. Son film est aseptisé comme une salle d’opération. Plutôt que d’approfondir les relations entre Vera et Ledgard, de plonger dans l’horreur de leur quotidien, dans la perversion de leur âme, Almodovar s’intéresse plus à ce qu’il y a autour, aux évènements qui ont conduit ces personnes là où elles sont et qui nous sont racontés par des flashbacks amenés de façon très maladroite. La piel que habito tient donc plus du suspens hitchcockien, Antonio Banderas m’a d’ailleurs énormément fait penser à Cary Grant, que du film de genre. Un tel sujet aurait sans doute mérité un traitement plus viscéral.


Et puis Almodovar reste Almodovar et le cinéaste nous gratifie de scènes de cul dont il a le secret où se mêlent tous ses thèmes habituels : identité sexuelle perturbée, homosexualité, sadomasochisme, travestisme, transsexualité. Je n’ai rien contre ça. Au contraire cela peut être intéressant. Mais les retrouver systématiquement dans chacun de ses films me gonfle prodigieusement. Et puis surtout son obsession à vouloir nous montrer certaines déviances sexuelles de façon positive alors que les relations hétéros sont montrées systématiquement de façon négative et dégradante frise l’intolérance et n’a, à mon sens, plus rien à voir avec un militantisme homosexuel.


La piel que habito est donc un film énervant. La mise en scène est élégante mais Almodovar est d’une certaine façon passé à coté de son sujet. Trop froid, trop distant, trop aseptisé. Sa volonté de ne pas agresser le spectateur est trop visible jusque dans la façon dont il amène la révélation concernant Vera. Ce qui aurait du être un moment émotionnel fort ne surprendra personne et loupera donc totalement son effet, sauf pour quelques cinéphiles bobos abonnés à télérama qui trouveront là matière à éprouver leur sensibilité.

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