lundi 11 juillet 2011

Ballada Triste


Dans l’enceinte d’un cirque, les singes crient sauvagement dans leur cage tandis qu’à l’extérieur, les hommes s’entretuent sur la piste d’un tout autre cirque : la guerre civile espagnole. Recruté de force par l’armée républicaine, le clown Auguste se retrouve, dans son costume de scène, au milieu d’une bataille où il finira par perpétrer un massacre à coup de machette au sein du camp national. Quelques années plus tard, sous la dictature de Franco, Javier, le fils du clown milicien, se trouve du travail en tant que clown triste dans un cirque où il va rencontrer un invraisemblable panel de personnages marginaux, comme l’homme canon, le dompteur d’éléphants, un couple en crise, dresseurs de chiens mais surtout un autre clown : un clown brutal, rongé par la haine et le désespoir, Sergio. Les deux clowns vont alors s’affronter sans limite pour l’amour d’une acrobate, la plus belle et la plus cruelle femme du cirque : Natalia.

Dans la longue liste des cinéastes espagnols qui déferlent régulièrement sur nos écrans (Pedro Almodovar, Jaume Balaguero, Paco Plaza, Alejandro Amenabar, Juan Antonio Bayona), Alex de la Iglesia n'est peut être pas le plus connus mais il n'est pas non plus le moins intéressant et il a su, au fils des ans, conquérir un public de fidèles comme lui amoureux de cinéma de genre. Après un intermède en langue anglaise (Crimes à Oxford) où il s'est un peu perdu, le voici qui revient plus en forme que jamais avec un film magnifique, récompensé dans de nombreux festivals dont celui de Venise, Balada Triste, le plus belle hommage jamais rendu aux films de monstres.


Dans Balada Triste, c'est avant tout l'histoire de l'Espagne qui nous est racontée, et plus particulièrement un épisode noir de cette histoire : le franquisme. Sur plus de 40 ans de temps, nous allons suivre Javier dont le père, clown dans un cirque, est mort dans les prisons de Franco pour s'être battu, enrôlé de force, du coté des républicains. Une fois adulte, Javier est rattrapé par la tradition familiale est devient clown à son tour, mais il sera clown blanc car, ayant eu son enfance volée par la guerre, il ne sait pas faire rire. Il rencontrera Natalia, une acrobate dont il tombera follement amoureuse bien que celle si soit en couple avec Sergio, la star du cirque, un clown alcoolique et violent. Javier et Sergio vont s'affronter pour la belle dans un combat noir, violent et sans merci qui sombrera dans la folie.


Que les plus pessimistes se rassurent. Alex de la Iglesia est toujours là, toujours vivant et toujours passionné de cinéma. Et pourtant, après un épisode anglais assez terne on pouvait craindre le pire, mais ce Balada Triste remet les pendules à l'heure. Alex de la Iglesia est l'un des cinéastes les plus passionnant et passionné du moment. Un amoureux du cinéma de genre qui en explore les différentes thématiques et y rajoute sa touche personnelle faite d'humour noir et méchant. Dans 800 balles, c'était le western Spaghetti qu'il passait au crible. Dans Balada Triste, Alex de la Iglesia rend un vibrant et magnifique hommage aux films de monstres. On pense bien sur d'emblée à Freaks, la monstrueuse parade, le chef d'oeuvre de Tod Browning, mais également Frankenstein et King Kong. Les références sont nombreuses et se retrouvent également dans l'atmosphère générale du film, sa photographie si particulière à base de couleurs délavées qui font penser des fois à un noir et blanc, ses effets spéciaux d'un autre age à base de décors en carton patte et de CGI volontairement pauvres, même le jeu des acteurs a quelque chose d'un autre temps, un peu théâtral, un brin surjoué.


Le film d'Iglesia baigne dans un humour noir et grinçant omniprésent. Le héro typique d'Alex de la Iglesia et mesquin et cynique. Et parce qu'il ne s'en rend pas compte, il est souvent drôle (le crime farpait, mes chers voisins). A travers lui, Alex de la Iglesia épingle les travers de la société et Balada Triste n'échappe pas à la règle, d'autant plus que le thème du monstre se prête parfaitement à l'exercice. Certes, voir ce triangle amoureux se détruire jusque dans un final drôle, tragique et grotesque à la fois a quelque chose de jouissif, mais derrière ces protagonistes, le vrai monstre dont Alex de la Iglesia veut parler c'est Franco et un régime qui a mis l'Espagne à feu et à sang. Et dans cet exercice de style, Balada Triste a un petit quelque chose de pasolinien, notamment avec le personnage du Colonel Salcedo, qui comme les notables des 120 jours de sodome, humilie pour le plaisir et rabaisse les gens au rang d'objet car il en a le pouvoir.


Balada Triste ne plaira sans doute pas à tout le monde. Trop de références d'un autre temps, un humour spécial, un peu tarte à la crème parfois (normal pour un film avec des clowns), un univers très marqué mais qu'importe. Ceux qui accrocheront au film trouveront dans Balada Triste un joyau rare, un petit bijou de cinéma qu'il faut chérir et adorer de peur qu'un jour il n'y en ai plus. Un film d'une grande beauté formelle (superbe scène d'ouverture) au propos intelligent et interprété magistralement par des acteurs, des gueules plutôt, filmés amoureusement en gros plan comme le faisait Sergio Leone. Si vous avez loupé Balada Triste au cinéma, ne le loupez pas en dvd. Les films de cette qualité sont bien trop rares.

6 commentaires:

Maëlig a dit…

J'ai pas du tout accroché pour ma part. :/
Par soucis d'honnêteté je dois préciser que ce genre de film c'est pas ma came en général, je me suis retrouvé dans la salle un peu par hasard.

Pitivier a dit…

Pas de problème Maëlig, comme je le dit ce film ne peut pas plaire à tout le monde. Je viens d'ailleurs de lire ta critique et je comprend un peu pourquoi tu n'as pas aimé. Tu parles de la violence, des fusillades que tu n'aimes pas ? Que pense tu de Tarantino par exemple ? Car il y a une démarche que je trouve assez similaire chez les deux réalisateurs.

Ensuite, je pense aussi que le coté un peu bordélique du film t'a perturbé. Des clowns, des fusillades, de l'humour, de l'amour, de l'horreur, de la politique.... WTF ? Par contre je peux t'assurer que Alex de la Iglesias maitrise parfaitement son film et qu'il sait très bien ce qu'il veut raconter.

Maëlig a dit…

Tarantino, ça dépend. J'aime ses techniques de narration décalées (Reservoir Dogs, Pulp Fiction) et son humour irrévérencieux (Inglourious Basterds, Pulp Fiction encore), mais quand il fait de l'action pour l'action c'est toujours pareil, ça m'ennuie. Au risque de passer pour un hérétique, les Kill Bill par exemple j'ai trouvé ça ronflant.

Pitivier a dit…

Je ne pense pas que Tarantino fasse de l'action pour faire de l'action. Les films de Tarantino, tout comme ceux de Alex de la Iglesias sont avant tout des films de sales gosses pourris gatés au cinéma. C'est des films de référence. Comprend par là que souvent ces réalisateurs prennent un genre et en exploitent les codes jusqu'à l'excès. C'est le cas de Kill Bill dont les scènes sanglantes ont du te gaver mais qui sont pourtant parfaitement dans le ton d'un certain cinéma japonais. C'est le cas également de Balada Triste qui s’apprécie à mon avis d'avantage si on a une certaine culture en cinéma de genre et qu'on a vu des films comme Freaks, la monstrueuse parade ou Salo et les 120 jours de sodome.

Mais effectivement, vu ce que tu semble apprécier au cinéma c'est assez logique que tu n'ai pas aimé Balada Triste. Pas sur également que le cinéma de Alex de la Iglesia soit fait pour toi. Essaye quand même le crime farpait si tu en as l'occasion.
http://www.commeaucinema.com/bande-annonce/40321

Maëlig a dit…

Pas d'accord. Bien sûr qu'un amateur de cinéma japonais et/ou d'arts martiaux va trouver un plaisir autre devant Kill Bill qu'un cinéphile lambda. Mais ça n'est pas un prérequis nécessaire pour apprécier le film, sinon il serait réservé exclusivement à un petit groupe de connaisseurs. S'il a eu un tel succès c'est bien qu'il avait certaines qualités de mise en scène et d'esthétisme dans l'action justement. Et ce que je dis c'est que CA c'est pas trop ma tasse de thé, c'est tout.
Par ailleurs j'ai tendance à penser qu'un bon film, même (surtout?) ultra-référencé doit pouvoir tenir sur ses deux pieds et être appréciable pour ses qualités intrinsèques, et pas seulement en tant que parodie ou hommage.

Pitivier a dit…

Ben ça aide quand même pas mal. Par exemple, je n'aime pas Jackie Brown de Tarantino mais j'avoue que le trip blacksploitation c'est pas mon truc et que j'y connais rien. Tu peux bien sur aimer Kill Bill sans connaitre le cinéma japonais mais tu passes à coté de pas mal de choses et le risque de mal interpréter certains codes (violence par exemple) existe. La preuve, le combat contre les crazy 88 est en noir et blanc dans la version internationale et en couleur dans la version japonaise du film. Tarantino a dit que le noir et blanc est un choix pour rendre la scène supportable au public occidental qui risquait d'être choqué par autant de sang, chose à laquelle est plus habitué le public japonais qui voit régulièrement des films de ce genre.
http://www.youtube.com/watch?v=nRinXyaCkOg

Kill Bill a réussi a être grand public car il ne se limite pas au cinéma japonais en terme de références. Il pioche tout autant si ce n'est plus du coté du western. Et puis c'est Tarantino, un réalisateur capable de faire venir du monde en salle uniquement grâce à son nom.

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