jeudi 28 juillet 2011

Qu'a t'elle vu la femme de Loth - Ioanna Bourazopoulou

Auteur : Ioanna Bourazopoulou
Editeur : Ginkgo
Pages : 422
Prix : 23€

Un cataclysme a englouti l'Europe du Sud et le Proche-Orient, et Paris est devenu un port méditerranéen. Du côté de la Mer Morte, frappée à nouveau quarante siècles après la disparition de Sodome et Gomorrhe, la terre s'ouvre et un mystérieux sel violet en jaillit. Son goût et ses propriétés en font une denrée indispensable à tous, qui se vend à prix d'or.

Oublions tout de suite l'impossibilité technique du postulat de départ, un débordement de la méditerranée qui engloutis une partie de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique et qui transforme Paris en ville côtière. Ioanna Bourazopoulou ne fait pas dans la science fiction "réaliste". Je ne suis même pas certain que le troisième roman de cet auteur grec, le premier qui sort en France, puisque être qualifié de science fiction. Quoi qu'il en soit, ce roman nous permet de suivre plusieurs personnages. Philéas Book, un journaliste travaillant pour le times et résidant à Paris. Il est chargé par la Compagnie, une mystérieuse société exploitant les mines de sel violet de le mère noire, d'étudier six lettres écrites par six de ses employés. Ces employés ce sont des notables de la "colonie" qui exploite les mines de sel pour le compte de la Compagnie. Ces six notables retrouvent un matin le Gouverneur de la colonie mort sur son lit. Ne sachant que faire, la compagnie n'ayant pas prévu ce cas de figure, et ayant peur pour leur situation et leurs privilèges, ils vont se retrouver embarqué dans des situations aussi incroyables que pitoyables où chacun va essayer de tirer la couverture pour soi.

Le thème de ce roman n'est pas nouveau. Ioanna Bourazopoulou nous raconte l'histoire d'une société entièrement dirigée par une entreprise, la "Compagnie", omnisciente et omniprésente. Ces six notables symbolisent ces fonctionnaires déshumanisés qui ne pensent plus et agissent comme des pantins. Et tout de suite on pense à Orwell et 1984, sauf que Ioanna Bourazopoulou serait plus proche de Terry Gilliam et de son Brazil. Si dans le film de Gilliam c'était une mouche qui apportait le chaos, ici c'est un gouverneur qui a eu la fâcheuse idée de mourir. Et nos six notables, confrontés à une situation que ne prévoit pas le sacro-saint règlement de la "Compagnie" vont donner libre court à leurs instincts les plus bas pour cacher cette mort et préserver leurs petits privilèges, ce qui donne lieux durant la première partie du roman à des scènes totalement surréalistes d'un humour noir et féroce. Ioanna Bourazopoulou n'a pas peur de la surenchère et va même très loin. Elle aurait pu très facilement sombrer dans le ridicule mais parvient à trouver le ton juste pour rester crédible, drôle et grinçante. Elle continue même à nous surprendre puisque passé la première moitié du roman, celui change petit à petit. Ces six personnages plus un septième arrivé en cours de route se livrent à un jeu de dupes. Qui manipule qui ? Qui ment ? Qui dit la vérité ? On en vient à douter de tout jusqu'à un final très "Usual Suspects".

Le roman se dévore avec gourmandise et les pages tournent tellement on est happé par l'histoire. La majeure partie du roman est épistolaire. Les chapitres sont une succession d'extraits des lettres écrites par les six notables à la compagnie. Ce choix, loin d'être artificiel, est l'un des atouts du livre puisqu'il alimente cette atmosphère de suspicion permanente. Chacun relatant les évènements d'une façon assez peu objective. Ces lettres sont aussi l'occasion pour le lecteur de mieux comprendre les personnages. Ils ont tous un passé trouble et sont bien plus qu'ils ne le laissent croire. Et même si ils sont ignobles et pathétiques, ils n'en restent pas moins attachants et humains. Ce roman est donc pour moi une très bonne surprise. C'est drôle, grinçant, assez imprévisible et surtout l'histoire est servie par une galerie de personnages absolument épatants. Une excellente lecture qui s'est faite dans le cadre d'un partenariat avec le site babelio.


il en parle également : Gromovar

CITRIQ

Challenge Fins du monde

3 commentaires:

Tigger Lilly a dit…

Je vois sur le site de l'éditeur que c'est un roman traduit du grec, c'est pas courant du tout.

Ta chronique donne autant envie de le lire que celle de gromovar.

Maëlig a dit…

Ca a l'air fort sympathique, les références que tu cites me parlent pas mal.

Pitivier a dit…

@Maëlig : C'est franchement super bien. Et puis toutes les critiques que je lis sont unanimes.

@Tigger Lilly : Effectivement, la littérature grecque est rare chez nous. Michel Volkovitch, le traducteur, a beaucoup d'humour sur cet état de fait.
http://www.volkovitch.com/pe93_mendiant.jpg

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