Dans le Paris de la Belle Epoque, l'inspecteur LeBrock de Scotland Yard est sur la piste d'un mystérieux assassin.
Inspiré par le travail du caricaturiste français du XIX e siècle JJ Grandville et l'illustrateur de science-fiction Robida - sans parler de sir Arthur Conan Doyle, Rupert l'Ours et Quentin Tarantino -, Bryan Talbot fait une fois encore la preuve de son immense talent.
Pour ma première participation à ce défi Steampunk, je commence par une relecture, celle de Grandville, l'excellente BD de l'auteur anglais Bryan Talbot. Celui ci est assez méconnu du grand public et pourtant, c'est à mon sens (et pas qu'au miens) un artiste de première importance surtout connu pour son chef d'oeuvre, les aventures de Luther Arkwright, pièce maitresse de la bande dessinée underground qui a inspiré les plus grands de Alan Moore en passant par Mickael Moorcock. J'y reviendrais certainement un jour tant je considère cette œuvre comme une des meilleures BD qui existe. Mais en attendant, place à Grandville.
L'histoire se situe donc dans le Paris de la belle époque, un Paris surnommé Grandville et capitale d'un Empire grand comme l'Europe conquis par un Napoléon qui n'a pas été battu par les anglais. Les anglais justement ont longtemps fait partie de cet empire et même s'ils ont gagné leur indépendance depuis, ils restent isolés politiquement. Quand un matin, le corps de Raymond Leigh-Otter est retrouvé sans vie chez lui, une balle dans la tête et une arme dans la main, tout le monde pense au suicide, sauf l'inspecteur Lebrock qui est persuadé qu'il s'agit d'un meurtre. Il part donc pour Grandville, où se trouvait Leight-Otter la veille, avec son adjoint, le détective Ratzi. Il va y découvrir une gigantesque machination organisée par une confrérie secrète.
Avec Grandville, Bryan Talbot nous livre encore un petit bijou de bande dessinée. L'univers est d'une grande richesse. L'aspect Steampunk y est pour beaucoup et ouvre les portes à des possibilités quasi infinies mais il n'y a pas que ça. Grandville c'est d'abord une histoire remarquablement bien écrite avec de l'action, des sentiments, des complots, des rebondissements... Tout cela en 98 pages sans que jamais on ne se sente à l'étroit. C'est également des personnages immédiatement attachants. L'inspecteur Lebrock, sorte de Vidocq anglais, mais également son assistant, Ratzi, avec qui il forme un couple qui a le potentiel de celui formé par Sherlock Holmes et le docteur Watson. Cet attachement immédiat que l'on éprouve pour ces personnages est à mon avis renforcé par le choix qu'a fait Bryan Talbot d'utiliser l’anthropomorphisme. Ce choix, qui est au départ un hommage au caricaturiste français J.J. Grandville, permet d'identifier immédiatement chaque personnage qui est représenté par un animal traduisant le mieux son caractère. Lebrock est ainsi dessiné sous les traits d'un blaireau, puissant et obstiné, son assistant Ratzi est un rat, malicieux et fouineur, quand aux méchants ils ont souvent les traits de renards, pitbulls ou bulldogs. Cette référence au caricaturiste français n'est qu'une parmi tant d'autres. Ainsi, on pourrait citer également le dessinateur et romancier de science fiction Albert Robida, mais aussi des références du monde de la BD comme Bécassine, Tintin et Milou, Spirou ou Rupert l'ours qui font des apparitions plus ou moins importantes.
Bryan Talbot c'est également un style unique et novateur qui se rapproche énormément du cinéma et qui est caractérisé par un découpage très dynamique et précis qui se remarque plus particulièrement dans ses scènes d'action. Bryan Talbot utilise de nombreux codes du 7eme art comme par exemple une esthétisation de la violence que ne renierait pas Tarantino. Nombre de ses planches donnent également l'impression d'être construites comme un story board, chaque case devenant un plan et chaque planche une scène dans laquelle l'auteur utiliserait des techniques cinématographique comme le champ/contre-champ, le travelling ou le zoom. Cette impression est largement renforcée par le fait que Bryan Talbot s'interdit d'utiliser des onomatopées pour rendre compte des sons. Le style de Talbot est avant tout visuel.
Coté steampunk, les amateurs vont être servis. L'histoire ne se passe pas dans l'Angleterre victorienne mais dans la France de la belle époque. Cependant, tous les codes du genre y sont. Automates, dirigeables, et autres machines étranges fonctionnant à la vapeur se côtoient dans un univers essentiellement urbain. Certes Bryan Talbot aurait pu mettre plus de vapeur et de boulons dans ses planches mais je trouve pour ma part qu'il a su trouver le juste équilibre entre le coté graphique du Steampunk et un scénario de qualité avec une histoire bien construite et des personnages travaillés. Je lui donne donc la note maximale de cinq.
Un dernier mot enfin, pour vous parler des différentes éditions qui s'offrent à vous pour profiter de cette lecture. Si la majorité se dirigera naturellement vers l'édition française éditée avec beaucoup de soins par Milady, sachez tout de même que l'édition américaine est préférable en plus d'être de meilleure qualité car offrant une couverture toilée avec un effet relief du meilleur gout. Si je dis qu'elle est préférable c'est que Bryan Talbot s'amuse beaucoup des expressions françaises qu'il traduit littéralement en anglais. Il n'est ainsi pas rare de voir un personnage s'écrier "name of a god". Cette petite touche d'humour passe bien sur complètement à la trappe lors de la traduction. Toutefois, le niveau d'anglais sans être insurmontable est quand même assez élevé.
Ils en parlent également : Gromovar, A.C de Haenne
Le défi Steampunk |
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