vendredi 3 décembre 2010

Rubber


Dans le désert californien, des spectateurs incrédules assistent aux aventures d'un pneu tueur et télépathe, mystérieusement attiré par une jolie jeune fille. Une enquête commence...

Quelque part dans un désert au sud des Etats Unis, un flic s'avance et brise le "quatrième mur". Dans un long discours absolument hilarant, celui ci nous explique que tous les films, la vie même, sont remplis de non sens et que Rubber en est le plus bel hommage. La caméra change d'angle et nous montre ce que voit le flic. Surprise, il s'adressait en fait à un groupe de personnes présentes dans ce coin de désert. Un autre personnage s'approche, leur distribue des jumelles. Ce sont eux les spectateurs du film qui va commencer en live sous leurs yeux.


Dans une décharge, un pneu s'éveille à la vie. Il roule d'une démarche hésitante. Lorsqu'il croise une bouteille en plastique sur sa route, il l'écrase. Et quand la bouteille est en verre, il se découvre un don télépathique lui permettant de faire exploser les objets par la force de sa pensée. Il n'en fallait pas plus à notre pneu pour éveiller son instinct de tueur et celui ci va se lancer dans une course folle où il va faire exploser le caisson de tous ceux qui ne lui reviennent pas.


Rubber est un film à plusieurs couches, plusieurs niveaux de lecture. Le premier, le plus évident, c'est l'histoire de tueur en série où le tueur est un pneu. Ça parait fou comme ça, mais ça fonctionne. Le pneu est vraiment animé d'une volonté propre. Il tue pour le plaisir, aléatoirement. Et quand il ne tue pas, il regarde la télé, il matte les fesses (fort jolies de Roxane Mesquida) des filles, il prend des douches. Normal quoi.


Le second niveau de lecture, le plus intéressant, est une mise en abyme du cinéma. A travers ce groupe de spectateurs qui regardent dans des jumelles le film que nous même regardons, Quentin Dupieux nous renvois notre propre comportement : les spectateurs qui parlent et commentent le film à voie haute, ceux qui s'impatientent de ne pas voir assez d'action, ceux qui piratent. Via la scène de la dinde, Quentin Dupieux nous reproche également notre mode de consommation du cinéma qui tend vers la facilité. La facilité de consommer ce qu'on nous donne, sans même se poser de questions. Car Quentin Dupieux est en rogne contre l'industrie du cinéma. Le dernier plan du film ne laisse aucun doute à ce sujet. Il est en rogne contre cette industrie qui ne prend plus aucun risque et qui tend vers la facilité et le consommable immédiatement. Il est en rogne contre ces jeunes réalisateurs qui fond des films de vieux. Il est en rogne contre ces réalisateurs, parfois talentueux, qui préfèrent être de bons artisans plutôt que des artistes. Rubber c'est en quelque sorte une profession de foi. Oui, aujourd'hui il est encore possible de faire des films différents. Oui, il est possible de prendre des risques, de ne pas rechercher la facilité. Non, on n'est pas obligé de rentrer dans le moule.


Rubber n'est pas un film parfait. Loin de là. On peut lui reprocher son discours d'introduction qui est certes très drôle mais qui livre toutes les clés pour comprendre le film. On peut également lui reprocher un essoufflement au bout de soixante minutes. Mais c'est un film qui ose. C'est une proposition de cinéma. C'est une ode au non-sens et à l'absurde. C'est un grand bol d'air frais dans un paysage cinématographique de plus en plus frileux. Pour toutes ces raisons, Rubber est un film qui fait du bien et qu'il faut défendre. Si vous l'avez raté en salle, ruez vous sur le dvd lorsqu'il sortira.

4 commentaires:

Dom a dit…

Au contraire, le discours d'introduction induit à croire qu'il n'y aura rien à tirer de ce film alors qu'il défonce l'industrie cinématographique.
Le côté slasher - répétitif et jamais plaisant - m'a un peu rebuté, ainsi que le rythme. A voir, tout de même.

Pitivier a dit…

Ouais, il y a la critique sur l'industrie cinématographique mais ce que je veux dire, c'est que ce monologue est quand même quelque part un mode d'emploi du film. Dupieux se prend un peu les pieds dans la tapis puisque d'un coté il vilipende une certaine catégorie de spectateurs avide de cinéma facile et de l'autre coté il facilite l'accès à son film par ce monologue.... Mais bon, comme tu le dis toi même, Stephen Spinela est tellement bon que ca passe très bien. On en redemande même.

Après le coté Slasher, moi j'ai bien aimé. Ça ne tiens clairement pas la route sur la longueur. Mais sur 45-60 minutes, oui Quentin Dupieux a réussi la prouesse de me faire croire à une histoire de pneu tueur en série. Rien que ca, chapeau. Mais c'est vrai, heureusement qu'il n'y a pas que cet aspect dans le film.

Dom a dit…

En fait, je suis allé voir le film dans l'optique de voir un slasher débile, avec un pneu qui tuerait des gens par effet domino - bref, le truc puéril de base. Du coup, j'ai été assez surpris par ce qu'il est vraiment !

Pitivier a dit…

Pareil. Agréablement surpris.

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