2060. Un grand Network privé relance le concept de télé-réalité en envoyant des reporters dans le passé filmer des événements marquants du XXe siècle. Le choix se porte sur le Débarquement en Normandie afin de raviver la flamme patriotique des téléspectateurs. Foway, le 5 juin 1944 : munis de faux papiers, un reporter et un historien se mêlent à la masse des fantassins qui embarquent dans les navires de la flotte d'invasion. Bientôt les hommes du futur arrivent en vue des côtes françaises et assistent au spectacle apocalyptique qui s'y déroule. L'horreur de la guerre est bien réelle. Mais au cœur du bruit et de la fureur, une erreur est vite arrivée...
La brèche n'est pas vraiment une uchronie. Christophe Lambert ne s'intéresse pas aux conséquences d'une divergence historique mais à la cause. C'est la naissance d'une possible uchronie qui nous est contée dans ce roman.
Nous sommes donc en 2060, époque à laquelle le voyage dans le temps est une réalité. C'est même un show télévisé. Une chaine, KWN, propose aux téléspectateurs, dans son émission phare "Vous y étiez", de revivre les grands évènements du 20eme siècle : l'assassinat de JFK, la mort de James Dean, le "suicide" de Marilyn Monroe. La cervelle éparpillée d'un président, le cercueil d'acier d'une star, les malheurs d'un sex symbol sont jetés en pâture à des millions de téléspectateurs, telle une offrande au Dieu audimat. Mais la divinité est capricieuse et semble bouder ses adorateurs depuis quelques émissions. Les audiences sont en chute libre. Heureusement, un jeune cadre ambitieux a une idée de génie. Et si la prochaine émission avait pour cadre le débarquement des alliés en Normandie et plus précisément à Omaha beach. Imaginez donc, deux envoyés du futur vivant en direct la plus grosse boucherie du 20eme siècle. Des tripes, du sang, de l'héroïsme, tout cela retransmis comme un évènement spécial, 24 heures durant..... Ça ferait un tabac... Sauf que tout ne va pas se passer comme prévue et que les deux voyageurs temporels vont modifier le cours du temps. Deux futurs vont s'affronter. Dans l'un, ce sont les alliés qui ont gagné la guerre et dans l'autre ce sont les allemands. Deux futurs, mais un seul subsistera...
La brèche est un roman trépidant qui prend le lecteur aux tripes et à la gorge dès les premières pages pour ne plus le lacher. Avant de se consacrer à l'écriture, Christophe Lambert a travaillé dans le monde de l'audiovisuel. Visiblement il ne garde pas une très haute opinion du milieu et il se livre dans ce roman à une satire acide et pleine de cynisme de la télé réalité. Le trait est certes grossit mais respire le vécu à travers certaines situations, certain dialogues qui font mouche.
- Tout de même, grimace Loraine Kauffman. Le débarquement c'est très sanglant...
Benton est chaud. Il les tient. Il va les bouffer.
- Avec tout le respect que je vous dois, mademoiselle, réplique-t-il, je vous rappelle que notre meilleur score d'audience, c'est la cervelle de JFK qui voltige au ralenti sous onze axes différents.
Fielding cherche des yeux un ou une stagiaire. Sourire en coin, il se prépare à engueuler le premier larbin qui passera dans son champ de vision.
Rien de mieux pour évacuer le stress avant l'antenne !
Par la suite, une fois le saut dans le temps effectué, Christophe Lambert nous place dans la peau d'un soldat le jour du débarquement. La reconstitution est très travaillée, pleine de détails sur ce qu'ont pu vivre ces hommes aussi bien physiquement que psychologiquement. Le rythme est haletant. C'est écrit comme un film, sans temps morts. On s'y croirait. Et le combat final, dantesque, est digne des meilleurs blockbusters américains.
Malheureusement, le livre baisse en qualité sur la fin. L'auteur semble pressé de conclure. Et puis surtout il tombe dans le piège du paradoxe temporel. Que dis je... Il ne tombe pas dedans, il y saute à pieds joints. Et l'option qu'il choisit pour retomber sur ses pattes est bancale. C'est du même tonneau qu'un Terminator où John Connor ne peut raisonnablement pas être plus âgé que son père. Autre point critiquable, Christophe Lambert réserve pour un de ses personnages une fin excessivement nunuche et d'une facilité honteuse. Heureusement, le livre se conclu sur un épilogue d'un cynisme savoureux où l'auteur y va d'une dernière pique contre la télévision.
Malgré cela, je ne peux que recommander ce livre. La déception finale, toute relative, n'arrive pas à estomper les qualités de ce roman. C'est drôle, cynique, trépidant, rythmé, jouissif, généreux. On lui pardonne volontiers ses défauts et on savoure ses qualités.
Ils en parlent :
A.C. de Haenne, Lhisbei, Efelle
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5 commentaires:
Je l'ai sur ma pile celui-là, faut que je le lise !
tout à fait d'accord avec ta conclusion ;) (et avec la "nunucherie")
@Guillaume44
Il faut oui. C'est l'affaire de 2 ou 3 jours.
@Lhisbei
C'est le principal :)
Il est dans ma bibli depuis un moment (en fait depuis que j'ai lu Zoulou Kingdom).
Tout à fait d'accord avec tes conclusions. La faiblesse de la fin ne nuit pas trop in fine au plaisir de lecture de ce bon roman de divertissement.
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