mardi 9 novembre 2010

Timothée Rey - Des nouvelles du Tibbar

Timothée Rey - Des nouvelles du Tibbar

Voici, en exclusivité, des nouvelles fraîches du Tibbar Occidental. Sur ce bout de continent, jadis, des dieux fantasques, depuis longtemps repartis, ont éveillé les deux sortes de magie, la haute et la basse. Depuis, ce monde a développé une civilisation où l’on envoie des aérohamsters postaux ; où l’on cuisine du dragon (le plus raffiné des mets, quoiqu’on le déguste à ses risques et périls) ; où l’on tente de se vacciner contre des sortilèges-virus par l’écoute de musiques prophylactiques ; où l’on dérobe l’avatar d’un dieu tomate à ses féroces zélateurs ; où l’on va demander de l’aide au gardien d’une forêt du Carbonifère, nichée à l’intérieur d’un énorme diamant... En douze récits tour à tour narquois, baroques ou émouvants, partez à la découverte du Tibbar !
Ils sont contrôleurs d’autobus, profs de magie, bouffons, barmen, gardiens de musée, moines fanatiques, pirates, V.R.P., bâtisseurs de digues, ninjas, musicologues, ouvriers textiles, directeurs de casino, sibylles, nobles désœuvrés, bûcherons débardeurs… Ce sont les protagonistes d'un imaginaire entre conte de fées et satire sociale, servi par une écriture riche, précise, qui ne dédaigne pas à l’occasion de rendre hommage au western spaghetti, au cinéma de Hong Kong ou à celui de l’âge d’or d’Hollywood.

Quand on parle de Fantasy qui fait rire, on pense évidemment à Terry Pratchett et ses annales du disque monde. Il semble qu'il faille dorénavant compter avec un nouvel auteur de l'imaginaire. Son nom, Timothée Rey et cocorico, c'est un français. Des nouvelles du Tibbar est un recueil de douze nouvelles, toutes se passant dans un monde imaginaire appelé le Tibbar Occidental.

Sur la route d'Ongle : Dans un bus à pieds conduit par un nain qui s'est rasé la barbe, un  leprechaum découvre avec des yeux curieux ce pays qu'il ne connait pas. Ghoules, vouvres, tarasques, forêt de haricots géant et lianes attrape-couillons vont défiler. Cette nouvelle initiatique est une excellente façon de faire connaissance avec le Tibbar Occidental.

Mille et mille surgeons du Foisonneur : Les forêts du Tibbar sont atteintes les unes après les autres d'un étrange mal qui les corrompt. Umnide, une vigilante des forêts en formation est envoyée dans la Matrice-âme à la rencontre du Sylvain d'une Forêt du Tout Début. Lui seul pourra l'aider à vaincre le mal. Mais il y a un prix à payer pour cela...

Lacnae b'Asac : Humpnir Trobogost est un grand gaillard qui ne se laisse pas marcher sur les pied. Dans son auberge, l'Anciliule, il retrouve une ex qui l'a plaqué quelque temps auparavant sans une explication. Lorsque celle ci, membre d'une organisation de résistance à l'occupant Ondouailons, lui demande son aide, Humpnir devra faire un choix.

Dans l'antre du sanguinaire : Chaguelume s'aventure dans l'antre d'un monstre, Le sanguinaire, à la rechercher de trésors. Une courte nouvelle où tout n'est qu'une question que de perspective. Un bel hommage à J. R. R. Tolkien et Bilbo le Hobbit.

Ce qu'il advint des ravisseurs de la Tomate chantante : Quatres voleurs sont bien décidés à dérober une Tomate chantante à des moines-soldats.

Le Tronc, la Grume et le Fluent : Un superbe hommage à Sergio Leone et aux westerns spaghetti. Une rivalité entre plusieurs familles va se terminer en une lutte à mort à coup d'arbalètes smicée Ouaissonne. Une des meilleures nouvelles de ce recueil qui adapte tous les codes du western à la sauce fantasy.

Magma Mia ! : Le dragon est le plus délicieux des mets mais il doit être consommé d'une façon précise. Un groupe d'amis va en faire l'amère expérience.

Suivre à travers le bleu cet éclair puis cette ombre : Que se passe t'il dans la principauté de l'Ayale? Ce petit état est un mystère pour ses deux puissants voisins, le Marasme et la Foiride. Lirahaï Tiham, un mage espion à la solde de la Foiride, est chargé de le découvrir. Ce n'est pas le premier espion à tenter de percer ce mystère. Trois autres espions ont déjà été envoyés et ne sont jamais revenus.

Le jardin de nains du ninja radin : Des pirates partent à l'assaut de la demeure du ninja radin et de ses innombrables trésors. Celui ci est tellement radin qu'il a réduit sa garde à peau de chagrin. Mais peut être que le jardin qu'il faut traverser pour arriver à sa demeure cache plus de choses qu'il n'en a l'air...

Jeunes sirènes lascives pour matelots bourrus : Un puissant sort de haute magie qui s'était caché dans un livre érotique fait des ravages en Honafre Majeure. Toute personne contaminée ne pense plus qu'à une chose, répéter sans cesse et à haute voix le dit sort, contaminant à leur tour tous ceux qui l'entendent.

Mon père, ce bouffon au sourire si torve : Une belle évocation de Victor Hugo dans cette nouvelle où le thème de fond est la lutte des classes. Un fils va retrouver de l'estime pour son père lorsqu'il va se rendre compte qu'il n'est pas simplement le bouffon qu'il semble être.

Deux hougôlons dans le vent du soir : Marjath, une jeune fille de onze ans, va découvrir pourquoi les digues qui protègent les polders de Platope se fissurent dangereusement. Arrivera-t-elle a prévenir à temps les villageois?

Ce qui frappe à la lecture de ces nouvelles c'est la richesse de ce monde imaginé par Timothée Rey. En effet, le Tibbar Occidental, tel qu'il nous est présenté ici, est incroyablement vivant. Tout au long des douze nouvelles de ce recueil, Timothée Rey passe énormément de temps à nous décrire avec une multitude de détails les moindres aspect de ce monde merveilleux et loufoque, parfois plus de temps qu'à développer l'histoire elle même.
"Le tintamarre matinal du port résonne dans son cerveau brumeux comme si cinquante gongs de cuivre s'y donnaient la réplique.  Appels de dockers, ils se balancent des cantines, des bidons, des coffres, les entassent sur le pavé avant de les embarquer à bord du navire pour Marasme qui oscille mollement à quai, sur sa gauche. Abois des marchands d'orillons porte-chance contre les mauvaises fortunes de mer. Invites des vendeurs de saucisses en friands sous licence Zénodore. Chansons pâteuses des matelots qui titubent en sortant des beuglants et gargotes, et s'accrochent aux mâts d'une cloche de quart sur un des schooners, plus loin le long du quai. Tintinnabulantes sonnailles d'ônuflons. Friction de chaînes qu'on enroule, martèlement d'un charpentier en train de réparer une barque quille en l'air, brame lugubre d'une corne à pistons. Pleurs d'enfants, rires flûtés, éclats de voix, Cacardages enroués de bruches tirées à hue et à dia. Un tohu-bohu abrutissant."
Ce souci du détail va même beaucoup plus loin. Chaque nouvelle est accompagnée d'un document en rapport avec celle ci. Un panneau d'arrêt de bus pour la première nouvelle, un avis de recherche pour "le Tronc, la Grume et le Fluent", un Hamsterogramme pour "mon père, ce bouffon au sourire si torve". Ces documents, sont fait avec beaucoup d'humour et je ne saurais trop vous conseiller de les lire avec beaucoup d'attention tellement ceux ci regorgent de détails souvent très drôles.

L'imagination de Timothée Rey est fertile. Ses histoires regorgent d'idées et de trouvailles drôles, burlesques et originales. Ca part dans tous les sens. Il fallait oser faire de la fantasy en reprenant les codes du western spaghetti. Dans "jeunes sirènes lascives pour matelots bourru", la dorure, ce sort qui se propage automatiquement d'hôtes en hôtes n'est il pas le premier virus informatique ? Le style est riche et très littéraire. Timothée Rey s'amuse avec les mots. Ses textes sont remplis de jeux de mots souvent désopilants. Dans la dernière nouvelle, l'un des personnages s'appelle Shofmarsael. Dans "Le Tronc, la Grume et le Fluent" les protagonistes se battent à coup d'arbalètes smicée Ouaissonne au bord de l'Yberti et l'Yvanclif. Mais Timothée Rey ne fait pas que de la fantasy drôle. Dans "Mille et mille surgeons du Foisonneur" sa plume est beaucoup plus poétique. Dans "Mon père, ce bouffon au sourire si torve" il est plus sérieux, plus classique peut être, et parle principalement de lutte des classes.

Sur bien des points, ce recueil est donc vraiment excellent. Il y a toutefois une chose qui m'a dérangé. Timothée Rey use et abuse de noms et d'adjectifs inventés. Que ce soit dans la faune, la flore ou les objets usuels, les termes imaginaires abondent. Certains peuvent apprécier. Pour ma part, je trouve que l'auteur y est allé un peu trop fort. C'est plus ou moins marqué suivant les nouvelles, mais j'ai des fois eu l'impression que Timothée Rey cherchait à placer un maximum de mots exotiques en un minimum de temps, rendant ainsi la lecture parfois difficile car le plus souvent ces termes ne sont pas expliqués.
Thio Canneg, le couvre-silence humain, un grand noir élancé, se livre comme tous les matins à ses tanaï, exécutant au ralenti des séquences complexes de gestes. Dombrie ad Omalion, l'archère et dresseuse du groupe, est allée nourrir les trois animaux indispensables à la réussite de l'opération, stahifachu voilier, boule-à-fil et galaphân ; elle donne aussi à boire aux ônuflons, qui broutent à l'écart. Elle se déplace avec les gestes un peu mécaniques des tnufles, quoiqu'elle soit demi-elfe par son père.
Ce point mis à part, j'ai vraiment apprécié ce livre. Je serai même partant pour de nouvelles aventures dans le Tibbar Occidental, même si j'ai une nette préférence pour un roman où, je pense, le style de Timothée Rey aurait plus de place pour s'épanouir et où l'histoire serait moins à l'étroit.

Ce livre a été lu dans le cadre d'un partenariat avec Babelio et les moutons électriques que je remercie tous les deux pour cette découverte d'un nouvel auteur.


Pour aller plus loin :
Si vous voulez vous rendre compte du style de l'auteur, Timothée Rey a mis en ligne une nouvelle gratuite se passant dans le Tibbar. C'est sur le site des moutons électriques que ca se passe.

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